1914 : Quand la guerre profite à l'industrie française

1914, une guerre éclate en Europe. En quelques semaines à peine cette guerre se transforme en guerre mondiale, la première de notre Histoire et malheureusement pas la dernière. Ce conflit, que certains États espéraient résoudre rapidement par une guerre de mouvement avec des troupes importantes, finit par s’éterniser. L’essor de l’artillerie et de l’armement entraîne la guerre dans des prises de position que les troupes vont investir et tenir durant des années. Dès le début de la Première Guerre Mondiale et durant cette dernière, les groupes industriels français participants à l’effort de guerre vont alors recevoir du financement économique de la part de l’État afin de garder un rythme de production important pour tenir et tenter de dépasser une Allemagne dans le même état d’esprit. L’État français concentre son économie dans l’industrie. 
Ces groupes industriels qui ont pu bénéficier de la guerre pour prendre leur essor sont par la suite devenus de plus grands groupes dont le nom et l’activité n’ont jamais cessé d’exister.




AVIATION


Dès 1914, les industries européennes, et donc françaises, se penchent vers l’aviation. Même si les premiers avions ne sont pas les plus performants, ils servent d’abord au repérage. Plusieurs noms sortent du lot durant cette période d’innovation.

Le groupe Michelin en est un très bon exemple : 
 
D’abord sous un autre nom, l’entreprise produisait dès 1832 des articles en caoutchouc. C’est Edouard Michelin (1859-1940) qui, en récupérant l’entreprise en 1889, lui donne le nom de Michelin et Cie puis la spécialise dans la production de pneumatique. En elle-même la société ne s’occupe donc pas de l’aviation, ni de toute autre chose liée à la guerre. Pourtant, Michelin a bien produit des avions dans ses usines lors de la guerre, ainsi que des masques à gaz, des toiles de tente ou encore des balles. Il a ainsi été possible de voir des avions Breguet sortir des usines de l’entreprise. Ces avions, originellement construits par Breguet Aviation, ont été beaucoup demandés et Louis Breguet, fondateur de Breguet Aviation, ne pouvait subvenir aux demandes avec ses faibles effectifs. 
 
Grâce à son importante participation, avec toutes ses usines, et ses nombreuses actions économiques durant le conflit, le groupe Michelin s’est vite démarqué et l’entreprise s’est établie un véritable « Trésor de guerre » comme l’a dit l’historienne Anne Moulin. 
 
Pendant ce temps, Breguet Aviation a aussi pu profité de cet essor de la guerre pour poursuivre ses activités, mais pas autant que Michelin puisqu’ils se sont faits racheter par un autre groupe industriel français en 1971. Et ce groupe, qui aujourd’hui est peut-être le groupe français le plus connu au monde dans l’aviation, n’est d’autre que Dassault.

Le groupe Dassault, un autre exemple : 
 
Marcel Bloch (1892-1986), qui changera de nom pour Marcel Dassault par faute de pression antisémitique, est ingénieur dans l’aéronautique. À partir de 1917, avec son ami Henri Potez, ils développent une nouvelle hélice d’avion, l’Éclair, puis se penchent sur la création d’un avion. Ils fondent la SEA (Société des Études en Aéronautiques), et créent différents prototypes. C’est seulement leur quatrième qui porte ses fruits grâce aux nouveaux moteurs qui viennent d’être produits à l’époque. Malheureusement pour eux, et heureusement pour d’autres, le premier avion de leur production de série sort le 11 novembre 1918, jour de l’armistice. Même si l’État en commande un millier, la production est abandonnée et Marcel Dassault se lance dans l’immobilier. 
 
Mais avec la création du ministère de l’Air en France en 1928, Dassault se rappelle son projet initial et crée en 1929 le groupe industriel à son nom. Rapidement, son entreprise grossit et il rachète d’autres groupes petit à petit. 
 
C’est donc bien avec l’essor de l’aviation et la passion de Marcel Dassault pour l’aéronautique que Dassault Aviation est devenu le grand groupe industriel français qu’il est aujourd’hui. 

Enfin, Safran en dernier exemple : 
 
Dès 1914, Safran, un autre groupe industriel français, se lance dans la production des moteurs d’avion. Le groupe a poursuivi ses activités dans l’aéronautique et est aujourd’hui influent. Il annexe et intègre, comme Dassault, d’autres entreprises dans le monde. Et ses moteurs sont d’ailleurs utilisés par les avions Dassault Rafale et Dassault Mirage 2000. 




VEHICULE


Durant la Première Guerre Mondiale, l’entreprise Renault a été très sollicitée par l’État français. Louis Renault, né en 1877 et mort en 1944, était un pilote de course puis un inventeur et enfin le dirigeant de la grande marque automobile à son nom. Il crée son entreprise en 1898. Elle produit avant tout des voitures dont l’achat n’est possible que par ceux qui en ont les moyens ; le prix est assez élevé. Le groupe n’est donc pas dans l’industrie de guerre, pourtant il va devoir transformer cette industrie afin de répondre aux attentes de l’État. C’est-à-dire participer d’une quelconque façon à l’effort de guerre. 

Tout d’abord, Renault commence par faire des camions qui vont aider dans le transport de matériels. Faisant déjà des moteurs, la production des camions se fait rapidement et sans trop de problème. 
 
De plus, Renault est connu pour ses célèbres chars qui ont permis aux troupes d’infanterie d’avancer de nouveau et de reprendre possession des tranchées. Le groupe industriel a donc produit beaucoup de chars comme le FT-17, le char signal, ou même ceux avec différents calibres comme le 75mm ou le 37mm. Le char que l’on retient le mieux est donc le FT-17 car comme son nom l’indique il est léger (FT = faible tonnage), et il est muni d’une tourelle rotative à 360°. Grace à sa légèreté, le FT-17 est très commandé car il est facilement transportable par camion. De plus, il peut passer sur tout les ponts sans les casser grâce à son poids. Enfin les chenilles qui lui servent à se déplacer lui permettent de surmonter les obstacles. 
 
Malgré tous ces points positifs qui font que le FT-17 est très demandé, sa production est néanmoins ralentie par un problème non négligeable. Lors des essaies du FT-17, Renault c’est rendu compte que la propulsion des balles libérait un gaz qui asphyxiait le conducteur. Renault a donc cherché à résoudre ce problème, c’est pour cela que les premiers char Renault ne découvrent la guerre qu’à partir de 1917. Mais cet événement ne les a pas empêcher d’en produire plusieurs milliers, en plus de leurs autres produits, ce qui a permis à Renault de faire de formidables bénéfices. Effectivement, l’entreprise a multiplié par 4 son chiffre d’affaires entre 1914 et 1918. Renault a donc bien profité de la guerre pour construire son empire.

Suite à la guerre, Renault reprend sa production de voiture, et grâce à sa nouvelle fortune sa production s’envole et sa renommée aussi. La marque au losange devient une marque automobile reconnue. 
 
La forte croissance de ces industries, avec les moteurs et les carrosseries, a permis par la suite un fort développement de groupes automobiles.




MATERIEL 


La Première Guerre Mondiale touche tous les secteurs, notamment celui des munitions car sans munitions pas de guerre. C’est donc au début de ce conflit que le ministre de guerre Alexandre Millerand appelle les industries de métallurgie à créer des munitions, et en particulier des obus. Les entreprises concernées sont surtout celles liées à l’automobile comme Peugeot et Renault. Or Renault s’est plus concentré sur les chars et les camions. André Citroën, qui avait anticipé la crise des obus de 1915, avait déjà développé des usines d’obus.

André Citroën répond donc à l’appel de Millerand en produisant munitions et obus. Il développe d’abord la technique du décolletage pour faire des obus. Cette technique consiste à enlever la matière à l’intérieur de l’obus pour y placer la poudre qui servira dans l’explosion. Mais Citroën se rend compte que cette technique possède de nombreux défauts. Il a donc développé la technique de l’emboutissage, c’est à dire par pliage de plaque de fer. 
Peugeot rejoint André Citroën sur la conception d’obus mais avec du retard dû à l’anticipation de Citroën. Peugeot est d’abord dirigé par Armand Peugeot, mais ce dernier meurt en 1915. La continuité de l’entreprise se fait avec Ernest Mattern, qui a beaucoup réfléchi sur les obus et a oscillé entre Citroën et Peugeot.

La demande de l’état se fait de plus en plus conséquente, ce qui pousse les industries à produire plus, en moins de temps. C’est à ce moment qu’arrivent Taylorisme et Fordisme. Ces principes consistent à optimiser le temps de travail en réduisant les déplacements dans la chaîne de conception et d’assemblage tout en utilisant les machines. Dans les usines, les femmes, qu’on surnomme aujourd’hui les munitionnettes, remplacent les hommes partis au front. Or ces ouvrières sont très mal rémunérées pour le travail qu’elles font, ce qui permet aux entreprises de s’enrichir plus rapidement. Par exemple Citroën fait 40 % de bénéfice. Et grâce à ces derniers, André Citroën crée en 1919 l’entreprise Citroën.

Pour finir, on peut voir une augmentation de la production nationale des industries avec 35 % en 1914 contre 75 % en 1919. 
 
Citroën et Peugeot, qui fusionnent en 1976 pour devenir PSA Peugeot Citroën puis PSA en 2016, sont encore bien présents de nos jours et montrent bien les effets de l’essor dont ont bénéficié les groupes français en 1914.




SOURCES

http://multinationales.org/1914-1918-l-essor-des-grands-groupes-industriels-francais-et-allemands 
https://www.industrie-techno.com/article/14-18-les-usines-en-guerre.38092  
https://www.michelin.com/fre/groupe-michelin/profil/L-histoire-de-Michelin/Les-dates/1914 
https://www.michelin.com/fre/groupe-michelin/profil/L-histoire-de-Michelin/Les-dates/1916  
https://fr.wikipedia.org/wiki/Aviation_durant_la_Premi%C3%A8re_Guerre_mondiale#Premi%C3%A8res_ann%C3%A9es_de_la_guerre 
https://fr.wikipedia.org/wiki/Soci%C3%A9t%C3%A9_anonyme_des_ateliers_d%E2%80%99aviation_Louis_Breguet  
https://fr.wikipedia.org/wiki/Morane-Saulnier 
https://www.dassault-aviation.com/fr/passion/histoire/de-1916-a-nos-jours/1916-1945/ 
https://www.dassault-aviation.com/fr/ 
https://www.estrepublicain.fr/edition-belfort-hericourt-montbeliard/2018/10/14/guerre-de-14-18-une-exposition-sur-les-productions-de-peugeot-au-musee-de-l-aventure-peugeot-a-sochaux-du-13-octobre-au-4-novembre 
https://www.lepoint.fr/automobile/une-expo-retrace-le-role-des-usines-peugeot-et-citroen-en-1914-18-19-09-2014-1864836_646.php 
https://fr.wikipedia.org/wiki/Char_Renault_FT 
Manuel d’histoire édition Hatier 
Le Char léger Renault, de Yves Buffetaut, édition Ysec  
Dassault, de Marcel à Serge, de Claude Carlier, édition Perrin 
https://fr.wikipedia.org/wiki/Cat%C3%A9gorie:Camion_Renault 
http://louisrenault.com/2015/12/24/histoire-des-camions-renault-de-1900-a-1945-premiere-partie-par-claude-moins/ 
https://fr.wikipedia.org/wiki/Munitionnette 
https://1418jbsay.files.wordpress.com/2014/04/les-tanks-fabriquc3a9s-par-renault.png 
https://fr.wikipedia.org/wiki/Breguet_XIV